Dix mois après la promulgation de la loi du 25 mai 2021 “pour une sécurité globale préservant les libertés” et dix ans après la création du Cnaps, l’ordonnance relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Cnaps a été publiée au Journal officiel jeudi 31 mars dernier.
Elle est accompagnée d’un décret qui entrera en vigueur au 1er mai 2022, une période transitoire étant prévue pour “achever de traiter les dossiers en cours d’instruction”. La nouvelle organisation devrait être opérationnelle au 1er septembre prochain.
“L’objectif est de renforcer le fameux continuum de sécurité sur lequel nous travaillons depuis cinq ans, et de permettre au Cnaps d’assurer plus efficacement ses missions de contrôle de délivrance de titres et de discipline”, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à l’issue du conseil des ministres présentant le texte.
NORMALISATION ADMINISTRATIVE
Le texte modifie la composition du collège du Cnaps qui devient un “conseil d’administration“, chargé de fixer les orientations générales de l’établissement, notamment en matière de contrôle.
Le nombre de membres est ramené de 25 à 20. Siégeront le président du conseil d’administration, 11 représentants de l’État, 3 personnes issues des activités de sécurité privée et de formation (contre 8 actuellement) 2 “personnalités qualifiées” (contre 4), le président de la “commission de discipline” nouvellement créée et 2 représentants des agents de l’établissement. “La répartition des sièges assure ainsi à l’État une représentation majoritaire, répondant aux critiques issues des rapports sur l’établissement”, estime l’exécutif dans le rapport au chef de l’État.
Jusqu’à présent élu par les membres du collège, le président du conseil d’administration sera nommé par décret, pour une durée de trois ans renouvelables une fois, tout comme le directeur. L’ordonnance procède “à une redistribution des pouvoirs” entre ces deux acteurs, indique le gouvernement. Le président convoque le CA et “s’assure de la mise en œuvre des délibérations”. “Conformément aux orientations définies par le CA”, le directeur assure pour sa part “la direction et la gestion du Cnaps” et “représente l’établissement en justice et dans les actes de la vie civile”.
Le décret crée auprès du CA une “commission d’expertise” qui pourra formuler toute proposition de nature “à garantir le bon exercice des missions du Cnaps” et “à régler les difficultés soulevées ou à en prévenir le renouvellement”. Présidée par le président du CA, elle sera composée des 2 “personnalités qualifiées” et de 9 personnes issues des activités de sécurité privée “nommées par le ministre de l’Intérieur parmi celles proposées par les organisations professionnelles” (2 pour la surveillance humaine, 2 pour la formation en sécurité privée, 1 pour la télésurveillance et la vidéoprotection, 1 pour la sûreté aéroportuaire, 1 pour le transport de fonds, 1 pour la protection physique de personnes, 1 pour les agences de recherches privées). Ces 9 personnes éliront en leur sein les trois représentants qui siégeront au collège, dont un nécessairement issu du secteur de la formation.
POUVOIR DISCIPLINAIRE PARTAGÉ
Le texte transfère au directeur du Cnaps l’exercice de la mission de police administrative (délivrance d’agréments, d’autorisations et de cartes professionnelles) jusqu’à présent du ressort des commissions locales d’agrément et de contrôle, qui sont supprimées. Ces dispositions s’appliquent aux demandes de titres n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la Clac territorialement compétente à compter du 1er mai 2022. Le pouvoir disciplinaire, “qui appartient aujourd’hui aux Clac, et, en appel à la commission nationale d’agrément et de contrôle”, est aussi “entièrement réformé”.
À partir du 1er mai 2021, le directeur du Cnaps prononce les avertissements et les blâmes, éventuellement assortis de pénalités financières dans la limite d’un montant fixé par arrêté. Ce seuil ne peut être supérieur à 15 000 euros pour les entreprises et les dirigeants, et à 2 000 euros pour les salariés. Pour être contestées, les décisions du directeur doivent faire l’objet, dans un délai de quinze jours, d’un recours administratif préalable suspensif devant la “commission de discipline”. Cette instance, qui succède à la Cnac, est aussi chargée de prononcer les sanctions les plus lourdes (interdictions temporaires d’exercice, sanctions assorties de pénalités financières importantes) sur saisine du directeur. Sa décision est rendue dans un délai maximal de deux mois.
Présidée par un membre de la juridiction administrative, la commission de discipline comprend également 1 magistrat judiciaire, 3 représentants de l’État (dont le DGPN et le DGGN) et 2 personnes issues de la sécurité privée désignées par le président de la commission parmi celles figurant sur une liste fixée par arrêté – au moins une devra être issue de l’activité exercée par la personne faisant l’objet de la procédure. Elle peut se réunir “par conférence audiovisuelle”. Ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative, qui peut être exercé par le directeur du Cnaps.
Les recours administratifs préalables formés devant la Cnac à l’encontre des décisions des Clac intervenues avant le 1er mai 2022 restent régis par les dispositions antérieures.
UN ORGANE DE RÉGULATION “EN ORDRE DE MARCHE” POUR 2024
S’agissant de la mission de contrôle des agents du Cnaps, l’ordonnance “étend l’exercice des contrôles sur pièces ou sur place aux locaux affectés à un usage privé ou d’habitation, lorsqu’ils sont utilisés à des fins professionnelles, avec les garanties de droit commun en matière de visite domiciliaire”, indique le gouvernement dans le rapport au chef de l’État. Le décret précise par ailleurs les conditions dans lesquelles les agents du Cnaps peuvent être assermentés et ainsi habilités à constater des infractions, comme le prévoit la loi “sécurité globale”.
Pour être commissionnés par le directeur, les agents devront suivre une formation dont le contenu et la durée seront fixés par arrêté. Ils prêteront ensuite serment devant le tribunal judiciaire. Chacun sera titulaire d’une carte spécifique qu’il sera tenu de présenter “à toute personne qui en fait la demande”. Les PV dressés par les agents feront “foi jusqu’à preuve du contraire” et pourront être transmis au procureur de la République. Le commissionnement pourra être retiré à l’issue d’une procédure contradictoire ou suspendu par le directeur du Cnaps “lorsque le comportement de l’agent est incompatible avec le bon exercice des missions de police judiciaire”.
L’ordonnance précise également les modalités de publication des sanctions. Sauf décision contraire de la commission de discipline, les ITE sont publiées sur le site internet du Cnaps. “Compte tenu de la gravité des faits reprochés”, le directeur et la commission de discipline peuvent également décider de publier les décisions infligeant une sanction pécuniaire, à l’expiration du délai de recours administratif préalable obligatoire. La commission de discipline peut en outre prévoir la publication des sanctions qu’elle inflige sur les supports de son choix aux frais de la personne sanctionnée. En cas d’inexécution, le Cnaps peut mettre la personne en demeure de procéder à cette publication, avec une astreinte journalière maximale de 300 euros.
À l’issue de cette réforme, le gouvernement entend disposer d’un “organe de régulation réactif et en ordre de marche” pour la coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, “dans le cadre du continuum de sécurité”.
Nouvelles obligations pour les demandes de titres
Le décret n° 2022-198 du 17 février 2022 relatif au niveau de connaissance de la langue française requis pour l’exercice des activités privées de sécurité et le décret n° 2022-209 du 18 février 2022 relatif aux conditions d’exercice des activités privées de sécurité, pris pour l’application de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, renforcent les conditions d’octroi des titres délivrés par le CNAPS, en prévoyant notamment de nouvelles pièces à intégrer aux dossiers de demande.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du Cnaps