Lois Rebsamen et El Khomri : des évolutions en matière de modernisation et dialogue social, ainsi que de sécurisation des parcours professionnels

8 février 2017 | Actualité

2016 a été une année riche en évolution sur les règles sociales au sein de l’entreprise. Deux lois changent fondamentalement le code du travail.
La loi Rebsamen*, loi relative au dialogue social et à l’emploi, publiée au JO le 18 août 2015, modifie les règles de fonctionnement et l’organisation des entreprises. Médecine du travail, CDD, DUP… Les changements sont nombreux et certains sont déjà en place.
La loi El Khomri, loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, publiée au JO le 9 août 2016, modifie en profondeur la législation du travail.

*La loi Rebsamen a servi de support législatif pour introduire, via son art 40, les activités de formation aux activités privées de sécurité dans le périmètre du Livre VI du Code de la Sécurité Intérieure, CSI.

  • La loi Rebsamen : relative au dialogue social et à l’emploi, publiée au JO le 18 août 2015
    La loi sur le dialogue social modifie les règles de fonctionnement et l’organisation des entreprises. Médecine du travail, CDD, DUP… Les changements sont nombreux et certains sont déjà en place.

1. Mise en place d’une instance représentative pour les TPE
La loi instaure la mise en place de commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) dans les entreprises de moins de 11 salariés. Ces commissions seront composées de vingt membres à parité entre des représentants syndicaux et patronaux. Ces commissions auront surtout un rôle d’information et de conseil mais également de médiation et de discussion. Les membres bénéficieront d’un crédit d’heures de délégation par mois et ne pourront se rendre dans les entreprises concernées que s’ils obtiennent l’accord du chef d’entreprise.
>> Entrée en vigueur de la mesure: 1er janvier 2017

2. Extension de la DUP
La délégation unique du personnel (DUP) existe déjà depuis 1993dans les entreprises comprenant entre 50 et 200 salariés. Ce seuil est étendu à 300 salariés par la loi Rebsamen. Mais la principale nouveauté du texte, c’est la possibilité d’y ajouter le CHSCT. Dès la publication du décret, CHSCT, CE et délégués du personnel seront donc rassemblés dans une délégation unique. Chaque instance garde ses prérogatives et ses règles propres. Les réunions seront rassemblées et concentrées autour d’un seul ordre du jour. La DUP en tiendra six par an dont au moins quatre portant sur les thématiques relevant du CHSCT. Le nombre de membres de la DUP ainsi que le crédit d’heures seront fixés par décret.
Concernant le CHSCT, certaines dispositions évoluent : il doit se doter d’un règlement intérieur et se verra fixé un délai d’examen précis pour rendre ses avis.
>> Entrée en vigueur de la mesure: 24 mars 2016 (publication des décrets d’application)

3. Allègement du dispositif pénibilité
La question de la pénibilité s’est invitée dans la loi Rebsamen. Plusieurs simplifications à ce dispositif ont été insérées dans le texte définitif. Premier grand changement : la suppression de la fiche individuelle. Les employeurs ne seront plus obligés de consigner les facteurs d’exposition de chaque salarié mais devront simplement remplir une déclaration annuelle dématérialisée aux CARSAT (caisses d’assurance retraite) par le biais de la DSN (déclaration sociale nominative).
>> Entrée en vigueur : 1er juillet 2016

4. Regroupement des négociations obligatoires et de l’information consultation
Les rendez-vous de négociation obligatoires sont concentrés en trois grandes thématiques :
– Temps de travail et rémunération,
– Egalité professionnelle
– Qualité de vie au travail et gestion des emplois.
La fréquence de ces consultations peut être modifiée par accord d’entreprise.
Tout comme les négociations obligatoires, les obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise sont regroupées autour de trois grands sujets concernant l’entreprise:
– les orientations stratégiques,
– la situation économique
– les conditions de travail.
La fréquence pourra aussi être modifiée par accord d’entreprise.
>> Entrée en vigueur: 1er janvier 2016

5. Le quotidien des représentants du personnel amélioré
La loi prévoit de nouveaux droits pour les représentants du personnel. Tout d’abord, ils effectuent un entretien avec leur employeur lors du début et à la fin de leur mandat portant sur leurs futures activités et leurs compétences.
Côté salaire, les représentants se voient garantir une évolution de rémunération (salaire et avantages) afin d’éviter toute forme de discrimination salariale. Ceci s’appliquera aux représentants dont les heures de délégation dépassent 30% de leur temps de travail.
Par ailleurs les réunions entre représentants du personnel et des membres du CE pourront se faire par visioconférence.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

6. La médecine du travail plus proche des postes à risques
Le médecin du travail voit certaines de ses prérogatives étendues dans la loi Rebsamen. Ainsi, il devra étendre sa surveillance aux salariés qui occupent des postes à risques et aux salariés dont la situation personnelle peut poser problème (les détails doivent être précisés par décrets).
Par ailleurs, en cas de recours devant l’inspection du travail d’une décision du médecin sur l’inaptitude d’un salarié, l’autre partie devra être obligatoirement informée. Ainsi si l’employeur conteste, le salarié devra être informé et vice versa.

7. L’obligation de reclassement en cas d’inaptitude assouplie
Si un salarié est déclaré inapte et que le médecin du travail précise clairement que ce salarié ne peut pas rester dans l’entreprise sous peine de risque pour sa santé, l’employeur pourra rompre le contrat de travail sans possibilité de reclassement.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

8. Le burn-out un peu mieux reconnu
La loi Rebsamen ouvre la voie à une meilleure reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles (comme le burn-out même s’il n’est pas expressément désigné).

9. Le CV anonyme n’est plus obligatoire
Le texte sur le dialogue social supprime le caractère obligatoire du CV anonyme.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

10. Le CDD renouvelé deux fois au lieu d’une
Désormais les employeurs pourront signer trois CDD (soit deux renouvellements) et pas deux. A condition de ne pas dépasser la durée maximale de 18 mois, qui ne bouge pas. Les contrats de mission sont également concernés.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

11. Le CDI intérimaire modifié
En vigueur depuis un an et demi, le CDI intérimaire est encore peu utilisé dans les entreprises. La loi Rebsamen fixe le dispositif dans le code du travail et en précise le cadre notamment sur la durée maximale des contrats (36 mois) et la rémunération minimale*. Ce cadre durera jusqu’à 2018, date à laquelle le gouvernement doit remettre un rapport au Parlement sur les conditions de ce nouveau contrat.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

12. Du nouveau dans l’apprentissage
Les contrats signés avec un apprenti pourront être rompus par l’employeur sans justification pendant les deux premiers mois.
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

13. La BDES étoffée
La base de données économiques et sociales (BDES) devra comporter une nouvelle rubrique portant sur l’égalité professionnelle.
>> Entrée en vigueur de la mesure: 1er janvier 2016

14. Les agissements sexistes inscrits dans le code du travail
La loi Rebsamen fixe par écrit la notion “d’agissements sexistes” dans le code du travail. Le texte précise que : “Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.”
>> Entrée en vigueur de la mesure: Mars 2016

15. Mise en place du compte personnel d’activité
Ce compte personnel d’activité doit regrouper et centraliser tous les comptes et les droits des salariés (formation, compte pénibilité, compte épargne-temps, droits au chômage et mutuelle) à partir de 2017.
>> Entrée en vigueur de la mesure: 1er janvier 2017

 

 

  • La loi El Khomri : relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, publiée au JO du 9 août 2016.

Cette loi modifie en profondeur la législation du travail.
Dans l’ensemble, le texte assouplit de nombreuses règles du Code du travail en privilégiant le recours à la négociation collective, notamment en matière de temps de travail. Mais cette réforme du travail prévoit également des dispositions concernant le licenciement économique, les heures supplémentaires ou les visites médicales au travail.

Décrets d’application
Plus de 130 décrets et arrêtés ont été promulgués fin 2016.
Pour connaitre les dates approximatives de publication des décrets à paraitre, vous pouvez consulter sur le site legifrance.gouv.fr l’échéancier mis à jour le 17 janvier 2017.

Echéancier – LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

1. Durée de travail maximale
Le droit du travail fixe actuellement des durées de travail maximales par jour et par semaine. La loi prévoit d’augmenter ces plafonds.
La durée maximale de travail par jour est aujourd’hui fixée à 10 heures. La réforme prévoit d’augmenter cette limite pour la porter à 12 heures. Cette hausse ne pourra être mise en place que par accord collectif. Elle devra nécessairement répondre à une augmentation de l’activité de l’entreprise ou à des motifs d’organisation.
Dans le même sens, la durée maximale de travail hebdomadaire, aujourd’hui fixée à 48 heures par semaine, pourra être portée à 60 heures. Autorisée par l’inspection du travail, cette augmentation ne devra être que ponctuelle : elle ne pourra être appliquée qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » propres à l’entreprise.

2. Article 8
L’article 8 de la loi Travail prévoit qu’un accord négocié au sein de l’entreprise (accord d’entreprise) puisse remplacer les dispositions d’un accord de branche, même si ces dispositions sont plus favorables pour les salariés.

3. Accords Défensifs, accords offensifs
Actuellement, la loi prévoit la possibilité pour une entreprise qui rencontre des difficultés de signer un « accord de maintien dans l’emploi » (également appelé « accord défensif ») dans lequel peuvent notamment être prévues des modifications de salaires ou de temps de travail.
Dans un but de « développement de l’emploi », la nouvelle loi prévoit d’ouvrir cette possibilité d’accord en cas de développement de l’entreprise (accord dit « offensif »), notamment lorsque celle-ci souhaite conquérir de nouveaux marchés et signe de nouveaux contrats. L’entreprise pourra alors faire travailler davantage ses salariés afin de répondre aux nouveaux besoins de son activité. Cet « accord de développement de l’emploi » pourra être appliqué pendant une durée de 2 ans.
Le texte prévoit qu’un salarié qui refuserait de se voir appliquer l’accord pourra être licencié par l’employeur. Il s’agira alors d’un licenciement économique. En outre, le salarié licencié suite à un refus pourra bénéficier d’un parcours d’accompagnement personnalisé auprès de Pôle Emploi, qui sera cofinancé par l’employeur.

4. Forfait jours
Un certain nombre de salarié sont soumis au forfait jour et travaillent plus que 35 heures par semaine. Pour éviter qu’ils ne travaillent trop et mettent en danger leur santé et leur sécurité, la loi travail a instauré des obligations de suivi pour l’employeur.

5. Référendum
La loi modifie les règles applicables à la validité des accords d’entreprise. Ils devront désormais être majoritaires, c’est-à-dire signés par des organisations syndicales représentant au moins 50 % des salariés. Mais le texte prévoit aussi la possibilité de mettre en place un référendum d’entreprise à la demande des syndicats représentant moins de 30 % des salariés. L’accord sera validé s’il est approuvé par la moitié des suffrages exprimés par les salariés. Les syndicats, même majoritaires, ne pourront pas s’y opposer.

6. Heures supplémentaires
Actuellement, la rémunération des heures supplémentaires est majorée de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les suivantes. Mais un accord collectif peut prévoit une majoration de seulement 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne s’y oppose. Le nouveau texte supprime cette dernière condition. En d’autres termes, une entreprise sera plus libre de négocier un accord pour réduire le bonus de rémunération des heures supplémentaires. Cet accord primera sur l’accord de branche si celui-ci prévoit un bonus plus important.

7. Licenciement économique
Le texte définit avec plus de précisions les motifs pouvant entraîner un licenciement économique. Les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise pourront notamment être caractérisées par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant un certain nombre de trimestres consécutifs, qui varie en fonction de la taille de l’entreprise. Ce nombre est fixé à :
• 1 trimestre de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes pour les entreprises de moins de 11 salariés ;
• 2 trimestres pour les entreprises employant entre 11 et 49 salariés ;
• 3 trimestres pour les entreprises ayant entre 50 à 299 salariés ;
• 4 trimestres pour les entreprises de 300 salariés ou plus.

Il suffira désormais que l’entreprise remplisse ces conditions posées par la législation pour que le licenciement économique soit mis en œuvre. Il sera alors difficile pour un salarié de contester le motif économique de son licenciement dès lors que ces critères sont réunis. Cette définition plus précise, avec l’introduction de nouveaux critères, aura également pour effet de réduire le pouvoir d’interprétation des tribunaux quant aux motifs économiques avancés par l’entreprise pour justifier le licenciement.

8. Indemnités aux prud’hommes
Tout salarié licencié abusivement par son employeur peut agir aux prud’hommes afin d’obtenir des indemnités. Ces sommes ne font l’objet d’aucune limitation et leur montant peut donc être librement fixé par les juges, qui le déterminent au cas par cas. Une liberté qui est source d’incertitudes, notamment pour les employeurs pour qui il est aujourd’hui difficile d’évaluer à l’avance les sommes qu’ils devront verser à l’issue d’un procès si un salarié les attaque aux prud’hommes.
Afin d’harmoniser les montants accordés par les tribunaux, la loi instaure des plafonds d’indemnités prud’homales, qui dépendent d’un barème. Ces montants maximum sont déterminés en fonction de l’ancienneté, sur le modèle du calcul des indemnités légales de licenciement.
Le barème des indemnités prudhommales en cas de licenciement abusif n’est qu’indicatif pour les conseils de prud’hommes, qui n’ont donc aucune obligation de s’y conformer. Sauf si l’employeur et le salarié demandent conjointement son application au juge.
Vous pouvez consulter le barème des indemnités aux prud’hommes fixé par le décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016.

9. Visite médicale d’embauche
Le texte supprime également la visite médicale d’embauche systématique pour recentrer le dispositif sur les salariés exposés à des risques particuliers. Les autres salariés ne passeront plus désormais qu’une visite “d’information et de prévention” dispensée par un professionnel de santé (une infirmière par exemple) au moment de l’embauche. Les visites médicales périodiques, qui ont actuellement lieu tous les deux ans, seront également plus espacées dans le temps.

10. Garantie jeune
La loi travail généralise également la Garantie jeunes à l’ensemble du territoire. Il s’agit d’un dispositif permettant à un jeune de 18 à 25 ans en situation de décrochage d’être accompagné par une mission locale pour trouver un emploi tout en touchant une aide mensuelle.
A l’heure actuelle, les dossiers de demande de garantie jeunes font l’objet d’une sélection par une commission. Le texte de loi prévoit de modifier cette règle en faisant de la garantie jeune un droit ouvert à tous les jeunes qui remplissent les critères d’attribution.

11. Compte personnel d’activité
La loi précise également le contenu du futur compte personnel d’activité. Il comprendra à la fois le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu’un futur compte d’engagement citoyen qui permettra de bénéficier d’heures de formation en cas de volontariat ou de bénévolat.

12. Droit à la déconnexion
La loi instaure également un droit à la déconnexion pour les salariés, notamment ceux au forfait jour ou en télétravail. Les modalités d’application de ce droit doivent être définies à l’échelle de l’entreprise.

13. Bulletin de paie électronique
Le texte prévoit également d’autoriser l’employeur à remettre un bulletin de paie électronique à ses salariés, ces derniers conservant toutefois le droit de s’y opposer en demandant une remise de leur bulletin de salaire sous forme papier. Le texte procède ainsi à une inversion de la règle d’option, puisque jusqu’à cette réforme, c’était à l’employeur d’adresser une demande au salarié pour recourir au bulletin de paie dématérialisé.
Vous pouvez consulter les règles applicables à la fiche de paie électronique depuis le 1er janvier 2017.

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