Saisi de la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel valide plusieurs de ses dispositions mais, concernant les traitements de données à caractère personnel de nature médicale aux fins de « traçage », le Conseil décide deux censures partielles et énonce trois réserves d’interprétation, cependant que, concernant le régime des mesures de quarantaine et d’isolement, il prononce une réserve d’interprétation et une censure.
Concernant le régime des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement
Examinant le régime de quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées par la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire ayant justifié la déclaration de l’état d’urgence sanitaire ainsi que le régime de placement et de maintien en isolement des personnes affectées pour une durée initiale de quatorze jours, renouvelable dans la limite d’une durée maximale d’un mois, le Conseil constitutionnel a jugé que constituaient des mesures privatives de liberté les mesures consistant en un isolement complet, lequel implique une interdiction de « toute sortie ». Il en va de même lorsqu’elles imposent à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour. […]
Le Conseil constitutionnel a censuré comme méconnaissant la liberté individuelle l’article 13 de la loi déférée qui a pour effet, à compter de l’entrée en vigueur de la loi déférée, de laisser subsister, au plus tard jusqu’au 1er juin 2020, le régime juridique actuellement en vigueur des mesures de mise en quarantaine et de placement et maintien à l’isolement en cas d’état d’urgence sanitaire.
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Concernant le système d’information destiné à permettre le traitement de données destinées au « traçage » des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières
Selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte du droit constitutionnel au respect de la vie privée que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Il a en outre jugé pour la première fois que, lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités.
Au regard du cadre constitutionnel ainsi précisé, il a relevé que les dispositions contestées autorisent le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par la maladie du covid-19 et des personnes en contact avec elles, dans le cadre d’un système d’information ad hoc ainsi que dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données de santé déjà existants. Ce faisant, ces dispositions portent atteinte au droit au respect de la vie privée. […]
Le Conseil constitutionnel a formulé une première réserve d’interprétation en jugeant que, sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, l’exigence de suppression des nom et prénoms des intéressés, de leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques et de leur adresse, dans les parties de ces traitements ayant pour finalité la surveillance épidémiologique et la recherche contre le virus, doit également s’étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés.
Le Conseil constitutionnel a censuré comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée la deuxième phrase du paragraphe III de l’article 11 incluant dans ce champ les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés. Il a en effet relevé que, s’agissant d’un accompagnement social qui ne relève pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifie que l’accès aux données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonné au recueil du consentement des intéressés.
Par une deuxième réserve d’interprétation, il a jugé qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir des modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité et, notamment, l‘habilitation spécifique des agents chargés, au sein de chaque organisme, de participer à la mise en œuvre du système d’information ainsi que la traçabilité des accès à ce système d’information.
Par une troisième réserve d’interprétation, il a jugé que si le législateur a autorisé les organismes concourant au dispositif à recourir, pour l’exercice de leur mission dans le cadre du dispositif examiné, à des organismes sous-traitants, ces sous-traitants agissent pour leur compte et sous leur responsabilité. Pour respecter le droit au respect de la vie privée, ce recours aux sous-traitants doit s’effectuer en conformité avec les exigences de nécessité et de confidentialité mentionnée par la présente décision.
Source : Communiqué publié par le Conseil Constitutionnel, le 12 mai 2020 ICI
Publié le 13 mai 2020