Covid-19 : quel impact dans les relations contractuelles ?

7 mai 2020 | Actualité

Depuis décembre 2019, un nouveau coronavirus (Covid-19) a été découvert en Chine et s’est propagé progressivement dans le monde et en France. Le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’émergence de ce nouveau coronavirus constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Depuis le 29 février 2020, la France est passée au stade 2 de gestion de l’épidémie. Une entreprise peut se retrouver impactée dans son activité par l’épidémie du Covid-19 au point de remettre en cause l’équilibre contractuel et la bonne exécution d’obligations contractuelles. Afin de limiter l’impact économique, l’entreprise peut envisager la force majeure, voire l’imprévision.

FORCE MAJEURE L’article 1218 du Code civil dispose que « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

En résumé, pour être qualifié de force majeure permettant la résolution de plein droit d’un contrat, il faut qu’un événement présente un caractère à la fois irrésistible (qui échappe au contrôle de l’entreprise) et imprévisible au moment de la conclusion du contrat (qui ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat). Or, depuis le 29 février 2020 (déclaration officielle de l’épidémie Coronavirus en France ou 30 janvier 2020 pour l’épidémie au niveau mondial), l’épidémie n’est plus imprévisible en France et, de ce fait, le coronavirus ne peut plus être considéré comme un cas de force majeure libérant les parties de leurs obligations contractuelles, à moins que l’épidémie ait été expressément prévue dans le contrat et donc acceptée par les deux parties.

Action 1 : Vérifier les dates de conclusion / signature des contrats

Ainsi, si le contrat a été signé avant le 29 février 2020, la clause de force majeure s’applique automatiquement (sans qu’il soit nécessaire qu’apparaisse expressément la mention d’épidémie dans le contrat) à l’épidémie de coronavirus. Attention toutefois aux contrats conclus avec des acteurs étrangers, et notamment chinois. En effet, la date à retenir sera davantage celle du 30 janvier 2020, date à laquelle l’OMS a déclaré que l’émergence de ce nouveau coronavirus constituait une urgence de santé publique de portée internationale. A l’inverse, si le contrat a été signé après le 29 février 2020 (ou le 30 janvier 2020 au niveau mondial), l’épidémie du coronavirus n’est plus imprévisible et il était à prévoir que des mesures seraient prises en cas d’aggravation de l’épidémie. Il est donc devenu indispensable depuis cette date que l’épidémie de coronavirus apparaisse expressément dans les cas de force majeure prévus au contrat afin que les parties au contrat en acceptent le principe et puissent invoquer la force majeure.

Action 2 : Vérifier l’impact économique de l’épidémie de Covid-19 sur son activité
➢ Impact sur les contrats entre entreprises

Il faut vérifier le degré d’impact de l’épidémie de Covid-19 sur le contrat et justifier que celui-ci empêche l’exécution des obligations contractuelles.

– En cas d’empêchement partiel : le débiteur de l’obligation n’est libéré que des seules obligations concernées par le cas de force majeure lorsqu’il n’existe qu’une impossibilité partielle d’exécution du contrat. Exemple : contrat prévoyant la fourniture de pièces détachées dont certaines viennent de Chine, pays fortement impacté économiquement par le Covid-19 > impossibilité de livrer ces pièces venant de Chine mais possibilité de livrer les autres pièces.

– En cas d’empêchement temporaire : les obligations sont suspendues le temps qu’il faut (dans la limite du raisonnable), à moins que le retard et les conséquences qui en résulteraient pour le créancier ne justifient la résolution du contrat. Exemple : contrat prévoyant la fourniture de pièces détachées venant de Chine dans un délai donné > impossibilité de livrer ces pièces avant la date prévue au contrat : suspension de l’obligation pendant la durée de l’épidémie et du ralentissement économique chinois ou résolution du contrat si le créancier ne peut pas attendre plus longtemps.

– En cas d’empêchement définitif : le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations respectives. Il faut procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour de la formation du contrat (comme si le contrat n’avait jamais été conclu) ou au jour du dernier bon de commande (pour les contrats à exécution successive). Dans tous les cas, si la force majeure est retenue, le débiteur est libéré de ses obligations (partiellement ou totalement en fonction de la nature de l’empêchement) et le créancier ne peut pas demander de dommages-intérêts pour inexécution du contrat.

➢ Impact sur l’organisation d’événements

Un décret (à paraître) interdit les rassemblements de plus de 1000 personnes à l’extérieur ou à l’intérieur et les ministères et préfets seront chargés de répertorier l’ensemble des événements concernés et déclarés à la préfecture afin d’en demander par circulaires le report ou l’annulation. Dans cette hypothèse, il est alors possible d’invoquer le « Fait du Prince », c’est-à-dire une décision administrative unilatérale contre laquelle l’organisateur ne peut s’opposer et les conditions de la force majeure pourront s’appliquer.

L’organisateur d’un événement pourra alors choisir :

– de reporter l’événement à une date ultérieure (empêchement temporaire) : les obligations sont suspendues le temps qu’il faut, à moins que le retard et les conséquences pour le créancier (partenaires, prestataires) qui en résulteraient ne justifient la résolution du contrat. La durée du report dépend de la durée de l’empêchement (et donc de l’épidémie), dans la limite du raisonnable (reporter un événement annuel en 2021 perd peut-être son sens par exemple). Il faudrait alors attendre que soit actée la fin de l’urgence de santé publique (par le gouvernement français ou par l’OMS).

– d’annuler un événement dans certaines zones géographiques (empêchement partiel) : le débiteur de l’obligation n’est libéré que des seules obligations concernées par le cas de force majeure lorsqu’il n’existe qu’une impossibilité partielle d’exécution du contrat. Exemple : un organisateur d’événements ayant conclu des contrats sur plusieurs territoires, dont certains touchés par le Covid-19 (en Chine, en Italie, voire en France dans les régions de l’Oise, de Haute-Savoie par exemple), qui déciderait d’annuler l’événement dans ces régions uniquement.

– d’annuler un événement qui ne peut pas être reporté : le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations respectives. Il faut procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour de la formation du contrat (comme si le contrat n’avait jamais été conclu). Il convient toutefois de se poser la question des frais qui n’étaient pas prévus (les frais supplémentaires d’hébergement pour une plateforme d’inscriptions par exemple) : il est impossible de se retrouver dans l’état initial pour les parties (développement d’une plateforme + frais d’hébergement). Il faudra donc prévoir des discussions avec les prestataires pour convenir d’un prix. Dans tous les cas, si la force majeure est retenue, le débiteur est libéré de ses obligations (partiellement ou totalement en fonction de la nature de l’empêchement) et le créancier ne peut pas demander de dommages-intérêts pour inexécution du contrat.

➢ Impact pour les contrats de marchés publics

Le 28 février 2020, lors d’une conférence de presse, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a annoncé que le coronavirus sera « considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises » et, à ce titre, que les entreprises qui ont des marchés publics d’Etat ne seront pas pénalisées en cas de retard de livraison. La Banque publique d’investissement (BPI) a également annoncé le 2 mars qu’elle se portait garante de l’ensemble des prêts demandés par les PME afin de les accompagner pendant la période d’épidémie du coronavirus.

Action 3 : Informer les cocontractants de l’existence d’un empêchement rendant impossible ou difficile l’exécution d’une obligation contractuelle

Dans tous les cas, il incombe à la partie qui fait face à un cas de force majeure de notifier cet événement au plus vite à son cocontractant en caractérisant de manière précise son impact concret sur l’exécution du contrat et dans tous les cas, antérieurement à la suspension de ses obligations.

Action 4 : Vérifier les contrats d’assurance lorsque la force majeure ne peut pas être retenue

Lorsque la force majeure ne peut pas être retenue, il faut se rapprocher de l’organisme d’assurance. Attention toutefois car la quasi-totalité des contrats d’assurance couvrant des entreprises (pertes d’exploitation, rupture de la chaîne d’approvisionnement, annulation d’événements, défaut de livraison…) exclut l’événement d’épidémie car une épidémie peut avoir un impact sur l’activité économique globale et, en affectant tous les secteurs, ses conséquences deviennent inassurables.

Action 5 : Envisager éventuellement l’imprévision pour renégocier les termes d’un contrat

IMPREVISION L’article 1195 du Code civil dispose que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

Dans l’hypothèse où une entreprise serait impactée par l’épidémie du Covid-19, sans vouloir invoquer la force majeure, elle peut demander à son cocontractant de renégocier les termes du contrat en raison d’un changement de circonstances imprévisible rendant l’exécution de son obligation excessivement onéreuse. Cela permet de réduire un impact financier (pénalités en cas de retard de livraison par exemple). Là encore, il faut démontrer l’imprévisibilité du changement de circonstances au moment de la conclusion du contrat.

Source : MEDEF

Publié le 7 mai 2020

Share This