Entretien exclusif avec Matthieu le Tallandier, Président de Securitas Technology depuis le 1er août dernier.
Securitas Technology, né de la fusion des activités de Stanley Security avec les activités de sécurité électronique de Securitas en France, représente désormais 2 100 collaborateurs, dont 400 répartis sur 8 régions.
- Monsieur le Tallandier, parlez-nous de votre parcours professionnel
Avant d’être nommé Directeur Général puis récemment Président de Securitas Technology, j’étais auparavant président depuis 2019 de Stanley Security, que j’avais rejoint en 2017 après avoir été vice-président et directeur général France de Checkpoint Systems.
Ce qui a beaucoup compté dans mon parcours c’est mon MBA aux Etats-Unis où j’ai rencontré des profils très variés. La confrontation très internationale aux technologies, au travail en équipe, aux règles de la compliance, a été un accélérateur dans ma compréhension de la sécurité et de notre écosystème.
- Dans une récente interview accordée au Journal ETS vous avez indiqué « Il y a également un important travail de rapprochement culturel à effectuer. » En quoi les cultures d’entreprise des 2 entités se distinguent-elles ?
Elles se distinguent avant tout par la différence des marchés qui étaient adressés, la proposition de valeur et les expertises qui en découlent. Donc nécessairement des différences dans la manière d’exercer le métier.
Mais en même temps, on constate des similitudes entre ces 2 cultures d’entreprise, notamment la compréhension du travail en équipe et des valeurs partagées. Donc finalement ce rapprochement apporte beaucoup de complémentarité.
Aujourd’hui, nous tâchons d’identifier et de capitaliser sur les « best practices » de chaque entité, de les rapprocher pour en tirer le meilleur. Je pense par exemple à l’organisation très structurée sur le service côté Stanley, des expertises très pointues côté Securitas…
Le rapprochement des cultures d’entreprise passe aussi par le rapprochement des entités légales (en août dernier), le rapprochement des équipes techniques, maintenances, commerciales, monitoring (en septembre) avec un alignement des méthodes de travail, des procès et enfin le rapprochement des systèmes d’informations qui est actuellement en cours. Le tout devrait être uniformisé à la fin du 1er semestre 2024.
Dans cette période de transition, notre enjeu est de rester très attentif au service client, à la qualité des liens avec nos partenaires et de poursuivre le rythme de croissance des 2 entités avant le rapprochement.
- Où en êtes-vous dans la mise en place de la plateforme unifiée, baptisée Unaverse ?
Unaverse est la plateforme digitale de management de la sécurité que Stanley utilisait pour permettre à ses clients d’avoir une visibilité à 360° à la fois sur l’ensemble de ses systèmes et sur l’ensemble de ses services.
Comme vous le savez, notre rôle est d’apporter de la sécurité et de la tranquillité à nos clients, pour cela nous devons être capables de traiter une très grande quantité d’informations pour délivrer l’information pertinente et utile au client. Pour ce faire nous avons développé ce système d’intégration de solutions très performant.
Donc la mise en place d’Unaverse s’intègre dans cette phase de rapprochement et de migration des systèmes d’informations que nous opérons actuellement et qui devrait être achevée à la fin du 1er semestre 2024.
- Toujours dans l’interview d’ETS vous indiquez souhaiter recruter 250 personnes par an, avec des profils très variés. Compte tenu des pénuries de talents et des difficultés à recruter, quels sont les leviers d’attractivités que vous utilisez pour attirer et fidéliser les candidats ?
Oui comme toutes les entreprises nous sommes confrontés aux sujets d’attraction, de formation et de rétention des talents qu’ils soient techniques ou commerciaux. Ces difficultés de recrutement nous obligent à être dans une démarche de veille attentive à ce que nous proposons aux salariés au sein de l’entreprise.
Nos métiers exigent de l’expertise, du savoir-faire, une agilité d’esprit pour comprendre les technologies utilisées, les marchés sur lesquels nous agissons et leurs contraintes.
Mais aussi la capacité à travailler en équipe, s’adapter à des profils différents. C’est ce qui fait l’une des richesses de notre métier : nous faisons travailler ensemble des profils extrêmement différents.
Notre rôle est également de faire grandir les talents pour qu’ils se projettent au sein de l’entreprise.
Comme d’autres, nous y travaillons beaucoup et nous avons nos recettes !
Je crois beaucoup à la capacité de chacun à se développer, à la nécessité de faciliter les échanges, l’ouverture et à la communication horizontale. C’est souvent en libérant les potentiels qu’on développe la force d’une équipe.
Il y a une tradition de management très vertical en France, surtout sur nos métiers. Je pense que ça n’est pas parce que l’on est sur des métiers extrêmement règlementés, pointus et techniques qu’il faut instaurer de la verticalité. Les managers doivent être capables de libérer les compétences des collaborateurs pour développer leur autonomie, leur capacité de prises d’initiatives et rendre nos entreprises et nos métiers plus attractifs. Il reste des progrès à faire. !
Un autre sujet auquel nous sommes confrontés est la différence de notoriété des 2 entités en termes de marque employeur. Securitas Technologie est un leader sur son marché mais est encore une marque employeur en construction.
- Selon vous, quelles perspectives offre l’accélération de l’utilisation de l’IA sur le marché de la sécurité ?
Le challenge de la sécurité au service des entreprises dans les prochaines années c’est celui de la simplicité et de pouvoir offrir l’ensemble des services à distance. L’IA doit nous aider à faire remonter un nombre exponentiel de données, les traiter pour apporter la bonne information et les traduire en actions. Les outils sont déjà là.
Par exemple l’ensemble des informations qui remontent sur les plateformes de télésurveillance sont de nature beaucoup plus importante que celles qui peuvent l’être pour le particulier. Il faut pouvoir dire à tout moment ce qui se passe sur un écran et compte tenu de la masse d’informations les opérateurs ne sont pas en mesure de le faire seul. C’est en cela que l’IA et le machine learning nous aident déjà.
L’étape d’après c’est effectivement, sur toutes ces informations mieux qualifiées, être capable d’en tirer des principes macro sur la nature des risques, les prévenir et prioriser les actions préventives.
Tous ces outils qui relèvent de l’IA, soit dans la récupération, le traitement ou la transmission des données ont beaucoup à apporter à nos métiers.
Nos métiers répondent à une double injonction : être au fait des technologies disruptives et être très encrer dans la réalité du présent avec l’installation de nos clients et le service qu’on leur apporte.
Dans la façon dont j’imagine le futur de nos marchés, je pense qu’il faut rester terrien dans notre compréhension de l’avenir. Le digital doit s’encrer dans un réel. Oui, je crois que nos métiers seront peut-être moins dans l’installation, moins dans la maintenance et plus dans l’interconnectivité, plus dans l’intervention à distance. Mais dans la chaine de valeurs que nous apportons je ne pense pas que l’humain soit disruptable.
- Le sujet de la transition écologique et de la pression grandissante des donneurs d’ordre sur les prestataires et fournisseurs sera le thème de la table ronde de notre prochain congrès. Où en êtes-vous dans votre démarche RSE ?
Je crois avant tout que l’entreprise, de manière générale, a une responsabilité sociale et environnementale colossale puisque c’est au niveau de l’entreprise que se créé l’essentiel de la cohésion et de la compréhension du monde qui nous entoure. C’est d’ailleurs intéressant que le GPMSE choisissent ce thème pour la table ronde du prochain congrès.
Notre métier n’est pas encore très mature sur ce sujet. Les donneurs d’ordre pourraient être plus exigeants dans cette direction et prendre exemple sur les data center.
De notre côté, nous avons déployé plusieurs initiatives à l’international pour diminuer notre emprunte carbone et relever notre niveau d’attentes auprès de nos propres fournisseurs.
Le sujet de la RSE est également de plus en plus important dans l’équation du recrutement et de l’attractivité des entreprises pour les salariés.
- Quelles sont vos attentes en tant qu’adhérent GPMSE ?
Et bien justement sur cette dimension RSE nous avons beaucoup à faire et c’est intéressant que le GPMSE le traite lors de son prochain congrès. J’attends également que le GPMSE soit un catalyseur des dimensions réglementaires car l’innovation doit se développer dans un cadre réglementaire.